PRESSE. Présenté en compétition à Cannes jeudi dernier, le film d’Ari Folman, ‘Valse avec Bashir‘ a fait un carton. Sur ce film original -il s’agit d’un documentaire d’animation – et grave -il traite de la guerre du Liban de 1982 et des massacres des Palestiniens de Sabra et Chatila- les critiques ne tarissent pas d’éloges…
Un documentaire d’animation ? Le concept paraît foireux, voire franchement oxymorique, mais non, ça peut marcher, comme le prouve brillamment Valse avec Bachir.
Ce n’est plus de l’animation, c’est de la réanimation : un retour à la vie sous le masque des images dessinées, ou plutôt sous leur cristal magique, leur formidable pouvoir de révélateur et leur capacité à fixer ce qu’elles font revenir. La poésie de l’animation devient alors un réel absolu, cueillant par ses sortilèges l’émotion du spectateur et rendant à l’héroïque antihéros sa sérénité d’homme n’ayant rien demandé de cet affreux merdier.
Le Monde :
Cette œuvre d’art originale ne ressemble à rien de comparable dans l’histoire du cinéma.
France24 :
L’effort majestueux de Folman ne remportera pas la Palme d’Or – le prix n’est généralement pas attribué aux réalisateurs en compétition pour la première fois. Mais ce serait étonnant qu’il reparte les mains vides. Le prix du jury lui irait bien…
Pourquoi une mémoire si friable? Qu’avons-nous désiré à ce point ne pas voir? La grande force (esthétique et politique) de « Waltz with Bashir » tient dans cette double question que Folman se pose à lui-même et pose à son pays. Sorte de psychanalyse historique, le film, en à peine une heure trente, tend un miroir dérangeant à Israël et à ses enfants.
Au moment où Israël fête ses soixante ans, Ari Folman revisite une page encore plus noire de l’histoire du jeune état, avec une sincérité qui ne manquera pas de provoquera la polémique dans son pays.
Un extrait :
Et la bande annonce :
Pour le reste, il faudra attendre le 28 juin prochain…
Merci beaucoup Yasmina !
FYI
http://cinemascopian.com/2008/05/23/israeli-movie-wins-in-cannes/
Merci Dezc !
J’en avais lu une critique assez acerbe par un internaute du Post, intitulée: « Valse avec Bachir: trop douzième degré pour moi? ». J’y suis allée avec une certaine appréhension, surtout à cause de l’univers graphique, qui semblait vraiment très spécial.
Et, pendant dix bonnes minutes, je me suis accrochée – pas évident, ce mélange de décors et d’éléments hyper-fixes et d’objets, de personnages semi-mouvants. Ca perturbe.
Finalement, la mayonnaise a bien pris. Avec un bon coup à l’estomac, pendant les dernières minutes.
Merci beaucoup pour ta visite et pour ton message, Marie.
Il est certain que le film est difficile. Il faut avoir un peu de background pour comprendre ce qui s’y passe et je suis d’accord, les dessins ne sont pas ce à quoi on nous a habitués (Walt Disney ou Miyazaki…). Il n’y que ‘Persépolis’ qui nous a fait voir quelque chose de vraiment différent graphiquement.
Pour ce qui est du fond, dans mon entourage, un certain nombre de personnes sont allées voir le film sans se renseigner précisément sur les relations israélo-libanaises dans les années 80. Elles ne savaient pas pourquoi les Israéliens s’étaient retrouvés au sud du Liban ni pourquoi l’assassinat de Bachir Gemayel avait provoqué de tels massacres dans les camps palestiniens. Et le film n’explique pas.
Ca n’a pas empêché ces personnes d’apprécier le film pour ce qu’il est : une recherche pour comprendre les conséquences de la guerre sur ceux qui la pratiquent.
Il y a quelques mois, j’avais rencontré Janine Euvrard, qui est critique de cinéma, fondatrice du festival biennal « Israéliens-Palestiniens : que peut le cinéma? ». J’avais d’ailleurs mis sur mon blog l’interview en fichier audio (depuis, il y a un bugue informatique qui fait qu’on ne peut plus l’écouter, mais je vais résoudre le problème dans les jours à venir).
Toujours est-il que cette femme m’avait dit que le drame des cinéastes israéliens était qu’ils avaient commencé à se demander le mal qu’ils faisaient aux Palestiniens mais qu’ils avaient oublié de se demander le mal qu’ils se faisaient à eux-mêmes. Ils ont amorcé ce questionnement essentiel dans ‘Beaufort’, ils le poursuivent dans ‘Valse avec Bashir’. Et c’est, selon moi, le signe d’un vrai changement.
J’ai beaucoup aimé « Valse avec Bachir ». Le graphisme m’a semblé un mélange assez intriguant de beauté et de dureté.
J’y suis allé avec deux amies qui ne connaissaient pas du tout le contexte politique.
Elles ont été assez gênées mais ont quand même aimé le film en dépit de ce problème.
(Attention spoilers…désolée)
Ce film saisit le spectateur avec force et pose des questions essentielles. Tout en étant ancré dans un contexte précis, il touche à l’universel en explorant le problème de la conscience et de la mémoire …c’est aussi ce qui en fait une grande œuvre.
J’ai aimé la technique de la suite d’entretiens avec des personnages/personnes qui introduit une polyphonie convergeante au bout de laquelle le héros- proche du réalisateur comme dans une sorte d’autofiction cinématographique- retrouve son histoire propre au carrefour de l’Histoire.
J’ai l’impression que comme le dit Yasmina, le film est bien à placé sur la ligne du tournant nouveau que prend le cinéma Israélien concernant l’exploration du passé parfois problématique de la société de l’Etat Hébreu. En même temps, on retrouve comme dans de nombreux films Israéliens récents la recherche d’une voix individuelle sur un événement autrefois abordé de façon collective. C’est d’ailleurs intéressant que cette individualisation se fasse ici sur un thème comme celui de la première guerre du Liban, la première qui a divisé l’opinion publique en Israël et l’attitude des soldats de Tsahal face à leur armée et à leur commandement-refus de combattre, point de vue plus critique (je crois).
La fin du film avec l’apparition dans une sorte de « climax » d’images réelles du massacre permet de sortir d’un possible manque de « réalisme » (concernant la représentation pure) et de frapper le spectateur. Comme le photographe évoqué dans le film, le spectateur est contraint par le film lui-même de briser le cadre et d’ affronter la réalité du massacre.
On en sort sous le choque. Comme le héros (de façon moindre pour nous bien sur !), quelque part, le film arrive à nous faire sentir bien après la fin, qu’on ne quitte pas la salle indemne.